La route à quatre voies toute neuve est somptueuse et traverse des forêts de sapins droits et drus comme des piquets. Sur la photo satellite la région est truffée de mines à ciel ouvert mais depuis le sol on ne voit rien.
Loket.
On fait un détour par le village perché de Loket : Elbogen. Le coude quoi. Comme dirait, l’autre Loket ça vaut le coude. Jolie place avec une grosse colonne de la Trinité. Un hôtel-resto ou Goethe séjourna à sept reprise, comme l’atteste un plaque sur la façade, accueille un mariage. L’atmosphère est saturée par la musique de bal populaire. Une énorme Lincoln est échouée devant l’hôtel, un énorme bouquet de mariés sur le capot. Ça pourrait presque être une gerbe de corbillard. L’arrière de l’hôtel est nettement moins rutilant. Owa ouille, Unta pfoui comme disait Mammy. La peinture verdâtre s’écaille par endroits.
Nous faisons un petit tour au château médiéval qui domine de toute sa masse le village. C’est Haut-Koenigsbourg-esque. Il paraît que ça a récemment servi de décor à un film genre 007. Ça peut se concevoir, c’est charmant.
De l’animation à Carlsbad.
Les nuages se dissipent lentement. Il est l’heure de trouver un stop pour la nuit. Premier essai pas concluant. Puis un second nous conduit dans un ancien camping désaffecté avec des baraques noires style « Lager » du pire effet. Le jour décline. Pourtant le GPS s’obstine à indiquer une halte à 200 m de là. Effectivement au bout de la route il y a une magnifique bâtisse à colombages de style bohémien qui affiche un panonceau «Camp Hôtel». Mais pas de caravane, ni de camping-car, ni de clients en vue. On fait demi-tour pour aller vers un troisième site indiqué à 18 km… 18 km !
J’insiste pour qu’on aille au moins se renseigner au fameux «Camp Hôtel», et là Monsieur Père pris d’une colère aussi subite qu’inattendue, fait un demi-tour digne de Starsky et Hutch. Oui mais Starsky et Hutch eux ne conduisaient pas un camion de 3 t 5 !!!
Finalement on se renseigne malgré Pips.
Coup de théâtre : c’est un petit camping (300 KC la nuit environ 10 € à trois).
Repas Tchéco-bosniaque. On mange au resto accueilli par le patron tchèque qui baragouine anglais et le cuisinier bosniaque fort jovial qui s’empresse de nous proposer ses spécialités de Bosnie-Herzégovine. Génial on est en plein empire austro-hongrois, sauf que la langue vernaculaire n’est plus l’allemand mais l’anglais.
En entrée une soupe tchèque, bouillon de carottes céleris pâte style knoepflé. Le plat principal bosniaque est succulent. Des poivrons grillés et une viande rôtie à l’ail. Le tout arrosé de pivo. Le cuistot est bavard et nous offre des petits gâteau faits par sa femme. Il nous raconte sa vie.
Il a bossé trois ans… en Irak. « En tant que bosniaque la guerre je l’avais déjà chez moi et si je mourrais on avait que les yeux pour pleurer. Là-bas en Irak j’étais sous la protection des Américains et si jamais on me tuait ma famille touchait un pactole… » Logique de guerre au raisonnement inoxydable.
Seul bémol, le café est immonde, que du robusta. Mais empire oblige, servi à la viennoise sur un petit plateau avec son verre d’eau. Bref, Frantz Joseph aurait été comblé. Empire disparu certes mais pas mort. Le parking en ville problématique. Pour aller en ville le cuistot nous conseille de prendre le bus. Bon, why not. Il est 23 heures passées. Devant l’hôtel une tablée termine son repas en parlant fort. Dans une chambre de l’hôtel ça braille encore plus fort. L’arrêt de bus sur lequel je tente de trouver l’heure du départ pour le centre-ville jouxte un hôtel assez miteux.
Les horaires sont assez opaques, la langue est opaque, l’éclairage est faiblard. Tout à coup alors que bien des éléments sont familiers tout me semble étrange, étranger, inaccessible, incompréhensible.
Chouette je suis en voyage. Enfin c’est exotique !